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Interview de L'abbé Raymond Boyer



Le Centre archéologique a germé dans ma tête en 1946 et s'est concrétisé en 1957. Peu à peu, les choses se sont amplifiées et nous avons toujours voulu que cela soit un instrument de travail de très bon niveau. Les études archéologiques sont faites sur le plan administratif sur toute la France, mais nous n'avons pas de frontière, tout ce qui est fait rejaillit sur Draguignan et notre laboratoire archéologique qui étudie les restes humains c'est-à-dire les acteurs et les vivants, c'est le plus important et non pas uniquement les monuments, vases et c'est à cet égard que nous sommes sollicités à l'étranger, dans tout le bassin méditerranéen, en Espagne, dans certaines région de l'Italie, à Alexandrie en Egypte et en Tunisie. Nous allons toujours sur place car pour certains pays comme l'Egypte rien ne sort de leur territoire « Ils ont été tellement pillés que pas une tête d'épingle ne sort. »

Ma vocation religieuse est antérieure à Draguignan. Vous dire à quel moment précis, c'est difficile car ces choses là s'expriment difficilement, « bien entendu ». Mais cela m'est venu à Draguignan, cela a germé, mais parents m'ont toujours laissé libre, ne m'ont jamais forcé, de ce côté comme pour tout le reste. J'ai eu des parents magnifiques et qui j'espère m'ont bien élevé. J'ai fait toutes mes études au lycée Ferrié. A l'école primaire, je savais lire, écrire et compter, ma mère m'avait appris tout ça avant le CP, ce qui m'a permis de sauter une classe.
Une fois mon bac passé, j'ai été séminaire de la Castille, et quand j'ai été ordonné prêtre à Draguignan, j'ai été envoyé à l'université pour faire des études et pouvoir être professeur puis on m'a poussé pour avoir d'autres titres universitaires, je suis arrivé maintenant aux plus hauts titres universitaires, après il n'y en a plus sinon on se casse la figure parce ce que c'est trop haut et puis vous savez à cet égard, on me dit que c'est admirable mais vous savez quand vous gravissez une colline ou une montagne, plus haut vous montez, plus le paysage est vaste. Et bien moi, plus je monte, plus je découvre la somme de mon ignorance. Et voilà, c'est vrai car on en apprend tous les jours. Il ne faut pas s'imaginer que l'on est le meilleur, qu'on est le plus fort. Les grosses têtes, vous les trouvez au carnaval de Nice. »et moi je ne suis pas une tête de carnaval ».
Pendant la période 39/45, j'étais encore au séminaire et donc à la libération j'étais séminariste et comme cela c'est passé pendant l'été, je me trouvais à Draguignan. J'ai assisté à la dernière alerte de la nuit du 14 au 15 août donc la fin n'a jamais été finie car il y avait le ballet des avions avec le parachutage à la Motte.
Le lendemain les bombes commençaient à tomber à l'Est de la ville, puis cela a cessé car les Américains ont été avertis que les Allemands se repliaient et puis toute la matinée cela été des tirs d'artillerie vers l'Ouest, le quartier de la Clape et puis la nuit, la poudrière qui avait sauté,qui était dans le quartier de l'école d'Artillerie actuellement. Je crois que ce sont les résistants qui l'ont fait sautée pour que les Allemands n'aient pas les munitions et ils se sont débrouillés pour que ça saute par pallier surtout la nuit et alors le 16 août, j'ai vu le premier Américain car je me rappelle dans l'après midi, j'étais chez moi avec mes parents. Il y avait un avion qui volait très bas. Je me suis mis à la fenêtre et j'ai vu un avion qui descendait en piqué et qui a lâché une bombe de peu de puissance derrière Notre Dame du Peuple. Vous imaginez la détonation ! Ma mère me dit « qu'est ce que c'est ?» je lui dis «  c'est une bombe qui vient de tomber là-bas derrière ». Alors la croix de pierre du fronton de la chapelle est tombée, heureusement il n'y avait personne. Je suis allé voir si il y avait des dégâts , les vitres du fond étaient par terre et au moment où je sors, j'ai vu arriver un Américain, costume de parachutiste, mal peigné et me voyant, ne pouvant pas distinguer si j'étais prêtre ou séminariste, il commence à me parler en latin. Je lui répond en anglais. Alors ça y est, il me dit «  je suis l'aumônier untel. Est-ce que d'ici une demi-heure, nous pourrions venir prier, faire une messe ?» J'ai dit «  oui, pas de problèmes ». Je les ai attendus. Ils sont arrivés en temps voulu. Ils étaient une bonne vingtaine, armés jusqu'aux dents, le visage barbouillé, c'était le camouflage. Nous avons prié, c'était émouvant. Quelques Dracénois sont venus voir mais c'était fini et puis peu de gens sortaient. Ils avaient encore un peu peur.
La montée de la guerre.
Cela se faisait de façon discrète, vous comprenez. On avait l'occupation Allemande, la kommandantur à l' hôtel Bertin, la gestapo. Là , il fallait se méfier mais je pense que des informations passaient. Il y a tout de même une résistance locale qui s'est manifestée et à cet égard si je vous ai cité mon ami Léocard, je le connais bien, il pourrait vous conter des histoires excellentes sur ce point la, parce qu'il est un peu plus âgé que moi...
Du temps des Italiens, cela se passait de façon, disons le, très très folklorique. Il y avait le couvre feu. Etait-il respecté ? je n'en sais rien.
Mais après, il a fallu changer d'habitudes avec l'occupation Allemande, le décor aussi avait changé et ce n'était pas du même genre et il fallait faire attention. Il y a eu quand même une résistance qui se manifestait. IL y a eu la milice à côté de chez moi. Alors tous les matins, il y avait le grand cinéma et combien de fois le matin je les voyais monter armés dans une camionnette et partir en chasse, vous vous imaginez ce qu'ils allaient chasser. ( d'autre francais, des résistants ) et après tout ça a disparu, s'est volatilisé.
Les changements dans la vie de tous les jours.
Le rationnement avec les cartes pour tout depuis le pain, nourriture la plus élémentaire jusqu'à l'habillement, les chaussures, tout cela était contingenté. Comme partout, il y avait des échanges, les fumeurs qui n'avaient pas assez de tabac étaient heureux que les non fumeurs leu donnent leurs tickets de tabac qu'ils échangeaient contre des denrées qu'ils n'aimaient pas ou autre chose, partout c'était la débrouille, le troc.
A cette époque, les gens allaient aux messes comme d'habitude. Il n'y a jamais eu d'interdit tant du côté italien que du côté allemand. Les Italiens venaient le dimanche à Saint-Michel, on pouvait pas leur refuser, « c était ainsi » et les Allemands, tous les quinze jours à Notre-Dame du Peuple. Je me rappelle que sur le mur de Notre-Dame du Peuple, les Allemands avaient mis une affiche en allemand pour prévenir de l'heure et du jour de la messe et comme j'habitais à côté, le curé de l'époque m'avait demandé de m'y trouver. Bien entendu, voilà il y avait la messe des allemand, mais vous savez, « bon, c'était les occupants, les ennemis » mais quand vous voyiez la ferveur avec laquelle ces hommes priaient, chantaient, on se disait, tout de même, que la guerre est une imbécillité colossale, puisque la, on peut se retrouver tous ensemble et qu'après on se déteste et on se tape sur la figure. Et oui c'était terrible de voir une chose comme ça. Tous n'étaient pas nazis, j'en ai connu par la suite qui en ont souffert d'être opposé au régime. Parmi ces hommes j'en ai connu un particulièrement, c'était un éminent archéologue. J'avait remarqué qu'il lui manquait pas mal de phalanges aux doigts, jamais je ne me suis permis de lui demander ce qu'il lui était arrivé mais j'ai appris par la suite que c'était un officier de la Wehrmacht et qu'il avait fait des pieds et des mains pour ne jamais venir sur le front français, c'est-à-dire pour ne pas se battre contre les franches. Quand il y a eu la guerre contre la Russie, on l'a envoyé sur le front russe et c'est là qu'il a perdu des phalanges .Ensuite il a été expédié sur le front français et son premier travail a été de se faire faire prisonnier. Il n'a jamais voulu se battre contre la France. A la fin de la guerre, sa première occupation a été d'acheter un cabanon dans la Drôme pour venir dans ce pays qu'il aimait, c'est extraordinaire. J'ai su pourquoi il lui manquait des doigts, tout de même pour l'amour d'un pays qui n'était pas le sien, partir dans cet endroit impossible et je ne sais pas s'il lui manquait des orteils, tantôt c'était une phalange tantôt c'était au deux mains.
J'ai connu bien sûr des résistants, car quand j'étais au séminaire l'année du débarquement, un beau matin, on était dans la salle de cours, on entend du brouhaha , nous apprenons que c'étaient les Allemands qui étaient venus et qui avaient dit « toute cette partie du bâtiment, il faut l'évacuer pour demain matin ». Il était 10h du matin, il fallait évacuer pour le lendemain matin 8 h. Alors imaginez le branle-bas de combat, tout déménager. Dans la partie que nous occupions, c'était le camping, on couchait par terre mais ce qui était extraordinaire c'est que la même cuisine servait à nous et aux officiers Allemands, « quelle cohabitation forcée » Les Allemands étaient mieux ravitaillés que nous, nous nous avions quelques légumes…
La deuxième étape, le lendemain matin, au petit déjeuner, notre directeur nous dit « hier soir j'ai eu la visite d'un commandant Allemand, c'était 21 h, alors je l'ai fait monter dans mon bureau qui est aussi ma chambre, c'était le camping, et dans la cage d'escalier, il m'arrête, me prend le bras , me regarde et me dit « quand est ce qu elle va finir cette guerre ?» Alors la aussi, il y en a qui en avait assez .Il n'était pas pour Hitler celui-la, parce que après il était seul et encore il y avait des ordres alors à telle date il faut que vous vidiez tout. On est allé se réfugier à la Roque d'Esparon, près de la Craux, à la castlle. donc il a fallu partir et alors là- haut, on a été en contact avec les maquisards.
Le docteur German, je ne le connaissais qu'un petit peu, je connaissait mieux son père, mais après on a appris toutes ses actions qui ont été extraordinaires et tous les risques qu'il a pris. Il y a aussi le docteur Roger qui était cardiologue dont une salle à l'hôpital de Draguignan porte son nom. Il a fait de la résistance à sa manière. Ce n'est pas péjoratif, parce qu'il y avait le travail obligatoire en Allemagne et on ne regardait pas s'ils étaient soutiens de famille. Tout le monde devait partir et on a appris le jour de l'inauguration, qu'il lui arrivait de truquer des radiographies pour empêcher que les hommes partent en Allemagne. Il prenait un risque extraordinaire, il fallait être un radiologue hors pair pour faire un travail pareil et faire le bien de ses compatriotes. et pour ne pas être découvert par les Allemands car il l'auraient fait disparaître. »vous savez, c'était quelqu'un de bien, il avait son cabinet mais personne ne savait ce qui s'y passait.
Ca a été formidable, en ce qui concerne la résistance. Beaucoup de choses se sont sues après la guerre ,mais ce qui fit la force de la résistance d'ici ou d'ailleurs, c'était que c'étaient des groupes qui ne se connaissaient pas et je vais vous dire pourquoi. «  beaucoup, beaucoup plus tard, j'ai connu un monsieur plus âgé que moi puisqu'il a participé au débarquement avec les Américains, il était attaché a la 6 armée Américaine et attaché aux services spéciaux français pour les renseignements .bon ! il en a vu de toutes les couleurs et celui-la il pourrait vous en raconter et remplir des livres. Il m'a raconté comment s'est passé le débarquement là où il était, comment il a remonté la vallée du Rhône avec les troupes Américaines et c'est lui qui à Paris a arrêté Auberg chef de la gestapo pour la France et qui l'a interrogé et il m'a raconté tout cela.
Auberg, grand patron de la gestapo, nommé par Hitler, était dans les années 30 un misérable à Hambourg qui vivait en vendant des cigarettes, qu'il fabriquait avec les mégots qu'il ramassait dans la rue. Il était très intelligent, «  pourquoi pas ». quand il y a eu le parti nazi il y est entré pour se sortir de sa situation et étant donné qu'il était « intelligent » on l'a remarqué, il a monté les échelons jusqu'à arriver à un échelon très élevé et le monsieur qui l'a interrogé lui a dit, « bien voilà, lorsque Hitler projetait déjà depuis des années d'envahir la France, il a dit « s'il y a un poste important en France se sera pour Auberg » et à la fin de la guerre, Auberg a dit Monsieur nous avons été surpris et dépassé, parce que les Allemands c'est :, organisation, un chef Hitler, la discipline et tout le monde au garde-à-vous. Ils s'imaginaient que la Résistance, c'était la même chose, qu'il y avait un grand chef et que tout le monde marchait derrière. Mais les résistants ce n'était pas cela du tout. Nous avons été surpris parce que nous avons trouvé des réseaux isolés, alors la on a été dépassé. Donc ils ont avoué qu'ils avaient tout prévu sauf cela. c'est ce qui a fait la force de la Resistance.
Il y avait aussi des femmes dans la Résistance. Elles avaient un rôle de transport de messages, rôle dangereux et en plus on ne savait pas qui surveillait qui, n'est ce pas ! les gens qui pouvaient surveiller étaient aussi anonymes comme vous et moi dans la rue, alors voir un manège une fois, deux fois, six fois aurait pu donner l'éveil et puis il y a eu hélas, les dénonciations, c'était effroyable.
Le rôle des femmes dans la Résistance a été important, il y en a eu qui ont fait le « coup de feu » aussi certainement. Il en reste quelques unes de vivantes tel que madame Barbéris et encore un tout petit nombre.
La fréquentation des églises était importante pendant la guerre. Peu de baptêmes, c'était dû au fait que les maris étaient partis mais lorsque tout est redevenu normal, il y eu le baby boom « bien entendu ».
L'arrivée des Américains à Draguignan.
Les dracénois ont compris que les Américains étaient là. Les dracénois les ont accueillis dans la rue. Cela a été la grande fête et bien entendu c'est toujours pareil, tout le monde tirait la langue : Les enfants ont reçu du chocolat etc. . Cela a été la fraternisation immédiate, malgré le barrage de la langue, des contacts chaleureux se font, même si on ne connaît pas la langue parce que cela ce voit au regard, un sourire, une poignée de mains, cela en dit plus que de longs discours.
Les Américains ont arrêté le général Neuling à la villa Gladys , mais celui-ci n'a pas été jugé à Draguignan.
Les Américains ont installé un hôpital de campagne absolument fabuleux, derrière la chapelle Notre Dame du Peuple. Il n'y avait que 2 ou 3 maisons et ce jusqu'à Saint-Hermentaire. Alors ils se sont installés là. C'était une véritable ville, c'était extraordinaire. Ils sont arrivés le 17 août, très très tôt après la libération et un matin je croise une jeep appelée l'ave maria. Toutes leurs jeep avaient un nom, je dis tiens, pourquoi pas. Le lendemain une jeep me dépasse, s'arrête, c'était l'Ave Maria et descend quelqu'un qui avait 2 petits galons. Il s'adresse à moi, c'était l'aumônier « ha, très bien, venez chez nous». J'y suis allé, j'y suis resté toute la journée, ils avaient besoin d'un interprète, je parlais anglais, cela leur était utile, de ce fait j'étais chez moi. Les Américains soignaient toutes sortes de blessés, des francais, des Américains et des Allemands qui étaient sous bonne garde, bien entendu.
Tous ces Américains venaient de Californie et parmi le personnel médical il y avait de très, très bons chirurgiens, puisqu'en temps de guerre, ils étaient gradés. Ils sont restés 2 mois. Il y avait des salles d'opérations et je me souviens que l'un d'eux m'a fait entrer dans sa tente. Ce n'était pas une tente individuelle, elle était assez large. Alors, voyant mon ahurissement, je regardais partout. Il me dit «Vous voyez, j'ai apporté une partie de ma bibliothèque, car pendant la guerre il peut y avoir des cas spéciaux et j'ai besoin de retrouver des informations dans les bouquins». Des quatre côtés, il y avait des rayonnages avec des livres. C'était la guerre et bien ils avaient tout charrié, c'était incroyable. Aucun civil ne pouvait se faire opérer, c'était strictement militaire. Tout le personnel médical était Américain, j'étais le seul de mon espèce, pour les raisons que je vous ai expliquées.
Petit épisode amusant : lorsqu'ils ont été sur le point de partir un officier m' a dit « voilà, vous nous avez rendu service, nous voulons vous remercier ». Il n'est pas question que vous me remerciez, c'est plutôt moi qui devrait vous remercier, car vous m'avez donné l'occasion de parler anglais matin et soir « oui mais quand même, que pourrait-on faire pour vous ?». Je vous le répète, rien. Alors il était songeur, il se gratte la tête, se frappe le front, je me dis, ça y est il a trouvé quelque chose et je vous donne en mille ce qu'il m'a proposé, vous ne devinerez jamais, ils sont originaux par certains côtés il dit « et bien voilà après demain, est prévue une opération, on doit amputer quelqu'un d'une jambe, vous voulez y assister ? » ça par exemple, voilà qui est curieux et bien évidement, j'ai trouvé une excuse car je ne me voyais pas au milieu de tout ça. Enfin, ils étaient contents d'avoir trouver quelque chose d'original et quand j'ai raconté  ça à mes parents ils ont dit «tu te moques de nous» mais non pas du tout, c'est vrai. Vous voyez on se souvient des choses dramatiques, sévères mais aussi des choses légères.
Les Américains se mêlaient à la population dracénoise malgré le problème de la langue. Un jour ,un officier m'a demandé si j'entendais des plaintes contre ses hommes, parce que sinon cela irait mal pour eux, il faut qu'ils se tiennent bien.
Je ne me souviens pas des billets Américains frappés pour la France. Pendant la guerre, la procession de Notre-Dame du Peuple avait été supprimée, certaines choses m'échappent, excusez-moi, ma mémoire ressemble à une passoire. Mais ce qui s'est passé, c'est qu'en 1944 elle ne devait pas avoir lieu, parce qu'il y passait l'hôpital derrière la chapelle et il y avait le trafic des véhicules, alors là , il s'est passé quelque chose de très curieux c'est que comme chaque année 8 jours , il y avait une réunion tous les soirs de prière etc. et un soir ou je m'y rendais je me trouve nez à nez avec des officiers Américains que je connaissais. Donc, je les accompagnais. Ils me disent « qu'est ce qui se passe, par ce que tous les soirs à la même heure on voit des gens » , Alors je lui explique que le 8 septembre il y a une grande fête avec une procession, mais cette année, elle n'aura pas lieu car on a fait savoir par l'intermédiaire de la mairie qu'avec le trafic de camions cela ne pouvait pas se faire. L ‘Américain me dit de venir avec lui au camp pour voir le colonel. Arrivé chez le colonel, l'Américain me demande de lui expliquer ce que je venais de lui dire. Le colonel m'écoute, puis me dit qu'il comprend très bien le motif, mais qu'entre telle heure et telle heure, il n'y aura pas de véhicules et la procession, vous pouvez la faire et nous voulons qu'elle aille jusque chez nous et vous ferez demi-tour. Du coup, ça a été la grosse pagaille, car ce n'était pas prévu, vous comprenez. C'était pas banal cette histoire là. Personne ne s'y attendait, alors ! malheureusement je n'ai pas de photos. C'est vraiment dommage.
Et puis aussi il y avait le train des Pignes qui fonctionnait. Ce fameux train qui passait là où il y a maintenant la voie de contournement, alors comme il y avait le passage à niveau pas loin, le train des Pignes sifflait, ce qui avait fini par attirer l'attention des Américains. Le train passait à 16 h, c'était la grande attraction, parce qu'ils voyaient réellement les petits trains du Far-West, avec une locomotive et 2 wagons, il y en a qui photographiait , etc. fallait voir c'était le grand spectacle pour ces Américains.
Le docteur German a assuré les premières inhumations au cimetière Américain. C'était une propriété avec des vignes, des oliviers et par la suite j'ai assisté à d'autres inhumations et en particulier il y avait à droite en entrant plusieurs tombes d'Ukrainiens qui avaient été embarqués de force par Hitler. Il y en avait une bonne quinzaine qui ont été rapatriés chez eux. Au début c'était l'improvisation, après ça c'est organisé, cela a pris du temps, il a fallu qu'il acquière le terrain pour pouvoir s'organiser comme il fallait.
Parmis les résistants, il y eu des abbés, certains que l'on a pas connu, d'autres que l'on a connu. Moi j'ai bien connu l'Abbé ALOEZI qui habitait Bargemon. il y a eu vraisemblablement une dénonciation parce qu'il cachait des armes, il a été embarqué bien entendu, il a été déporté, torturé et j'ai su, parce qu'il était très discret, il n'en parlait pas, mais j'ai su qu'il avait sur l'épaule une croix gammée marquée au fer rouge. Il a été libéré mais sa santé en a été éprouvée, il est revenu, a été le curé d'Aups où il est mort et quand il est décédé ça a été presque des funérailles nationales, Monsieur Soldani, sénateur, maire de Draguignan, résistant lui-même est venu et c'est bien simple, il y avait encore du monde devant l'église quand le cercueil est arrivé au cimetière. C'était extraordinaire après. Après la guerre, un jour, on sonne chez lui et c'était un prêtre Allemand qui venait voir s'il pouvait l'héberger, sur le coup un prêtre Allemand, mais il n'y avait pas de raison, alors il l'a hébergé et il lui a donné son adresse et il lui a demandé que le premier des deux qui décédait le fasse savoir à l'autre, donc on l' a prévenu. Il a pris le train et a assisté aux obsèques d'ALOESI parce que malgré ce que peuvent ressentir les français pour les allemand il m'a quand même hébergé chez lui. L'Abbé ALOESI était quelqu'un d'extraordinaire et je me rappelle que lorsqu'il a été arrête, notre évêque, Monseigneur Godelle qui était Alsacien donc qui parlait très bien l'allemand est allé faire une esclandre c'est tout juste si on la pas coffré, il n'a pas eu de problèmes car ils n'ont pas osé y toucher mais enfin, je n'ai pas été témoin mais on a su par lui-même que ça avait failli tourner au vinaigre. Voilà il voulait qu'on relâche ALOESI. Pensez donc qu'on la relâché, ils tenaient quelqu'un qui cachait des armes ha, ha je crois que c'est la gestapo qui l' a arrêté. Il n'y en avait pas dans le village autour de Draguignan, mais à Draguignan, elle était, je ne me souviens plus, ha oui ! à la villa Forézienne , on avait peur on se tenait à carreaux.
Vous savez madame et c'est partout il y a des gens qui ont profité de la libération pour régler des comptes qui n' avaient rien à voir avec la politique et c'est arrivé partout et il y a eu partout des choses abominables. Comme pour les femmes tondues, il aurait fallu faire le tri, elles ne trafiquaient pas toutes avec les Allemands, alors là encore des vengeances.
J'ai un ami qui était dans la Résistance, pas ici, mais qui est arrivé dans un village qui voit qu'on maltraite une personne, on lui dit vous comprenez, celui-la, alors il a dit pas d'exécution sommaire, on va d'abord s'expliquer, on va l'interroger, il faut que les choses se passent régulièrement et comme il étais dans la Résistance les villageois ont fait attention.
Dans Draguignan, je connais un cas d'exécution sommaire, un gars qui était en prison ça ne se fait pas même si de l'autre côté, côté allemand ils ne se sont pas privés, mais ce n'est pas une raison pour en faire autant et beaucoup on dit « non, non, on arrête, on jugera ».
A Draguignan, je ne me souviens pas s'il y a eu des procès important car quand tout est redevenu normal je n'était plus à Draguignan.
Voilà tout ce que je vous ai dit est très décousu j'en ai peut être oublié mais ce sont des choses que j'ai vécues, vues, entendues, des gens que j ai connus et il y a des gens remarquables pendant cette période, certainement qui ont risqué leur vie. Beaucoup sont restés anonymes, ils n'ont pas fait de bruit et puis tout à coup quand ils sont morts on a dit : tiens, il a fait ça et pourquoi ne l'a t-il jamais dit, parce qu'ils ne voulaient pas ils ont fait leur devoir et puis c'est tout. On a bien un soldat inconnu à Paris à l'Arc de triomphe mais combien d'autres inconnus sont peut être morts dans leur lit après les évènements mais qui n'ont pas voulu faire parler d'eux ils n'ont pas voulu de publicité sur leur compte et je trouve ça très bien alors après il y en a eu on le savait on les a montés en épingle c'est normal on les a décorés. Le docteur German qui est commandeur de l'ordre national du mérite, c'est normal il ne l' a pas volé, parce qu'il a pris de gros risques croyez moi c'est un homme que j'admire car aller soigner à ses risques et périls des résistants blessés dans sa clinique ou là où ils se trouvaient. Tout ce qu'il a fait, risquer sa peau je ne sais combien de fois et il méritait bien davantage et si je vous parle de lui c ‘est qu'on en a parlé tout à l'heure et que c'est un homme en vue.
C'est très bien que vous fassiez connaître ça dans les écoles car il faut qu'il y ait une mémoire pour que toutes ces histoires là ne recommencent plus.


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