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Interview de Monsieur Gustave Vergelin



Je suis né à Draguignan le 27 mai 1911. Mes parents étaient déjà d'un âge mûr quand je suis né, mon père né en 1865 à Ampus avait 46 ans et ma mère en avait 42 ou 43.
Mon père était bourrelier rue de Trans. Il y avait 3 bourreliers à Draguignan : M. Tapoule à l'Esplanade, M Honoré à Portaiguières et mon père.
Mon grand-père était déjà bourrelier, rue de Trans juste avant la place des Chaudronniers.
La rue de Trans était une rue très vivante. Elle reliait l'est, le portail et la place du marché.

Il y avait une multitude de commerces de la place aux Herbes au portail de Trans.
Ma mère était d'origine italienne, elle était couturière rue de l'Observance. Elle avait eu un fils, mon demi-frère d'un premier mariage. Mon père l'a éléevé comme son propre fils.
Après l'école maternelle, j'ai été à l'école laïque et à la fin du cycle primaire, en première, je me suis présenté au concours des bourses pour le secondaire.
Mon père s'était lié d'amitié avec le professeur de philosophie du lycée, Monsieur Gustave Fourment. Leurs convictions socialistes les avaient rapprochés. Mon père, militant socialiste de base mais par sa culture appelé à jouer un autre rôle et M. Fourment, professeur de philosophie, faisaient tous deux mon admiration. C'étaient deux hommes extraordinaires de savoir, de bonté, de générosité. Leur entente était si amicale que Gustave Fourment accepta d'être mon parrain.
En 1922/1923 en France, le ministre de l'Education Nationale Edouard Herriot réforma l'enseignement en rendant obligatoire l'apprentissae du latin et du grec à partir de la 6 ème . L'on disait à l'époque que nous faisions "nos humanités".
En 1929, moi, fils de bourrelier que rien ne prédestinait à ces "humanités", je passai la première partie du bac de français en lettres pures Latin/grec.
Pour la deuxième partie du bac, je m'orientai sur mathélem.
Le lycée n'enseignait qu'aux garçons. Cependant, en première et en classe de philosophie, il y avait 4 jeunes filles. La France était machiste. Elle a mis du temps à s'ouvrir aux femmes.
J'ai été reçu au bac en 1930. Je ne pouvais continuer mes études faute de moyens financiers.
Mon parrain, M. Fourment, à ce moment-là était Président du Conseil général. Il influença les Ponts et Chaussées et obtint que je travaille comme auxiliaire au service des Ponts chez M. Vidal ingénieur à Draguignan.
Là, je retrouvai Albert Andrieu adjoint technique au service des Ponts. Il m'aida dans la préparation du concours d'adjoint technique en me prêtant des livres. Je me suis présenté début 1931 à ce concours que j'obtins la première fois. Nous étions 3 à être reçus : Mondé dont le père était professeur à l'Ecole normale à Draguignan, André Emorat de Flayosc et moi Vergelin.
L'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Louis Jouvin, habitait aussi à Flayosc.
En 1931, deux postes d'adjoints techiques s'étaient libérés au service des Ponts.
Mon père était alors très malade, grabataire. Mon parrain intervint pour qu'un des postes me revienne. Il lui fit ce plaisir ultime. En effet, à peine un mois après ma nomination le 1 juillet 1931, mon père décéda. C'était le 25 juillet de la même année.
Mon père mourut l'esprit tranquille de me savoir en place et en mesure de subvenir aux besoins de ma mère.
Le siège des Ponts et Chaussées se situait 12 bd Foch à Draguignan. L'ingénieur en chef, lui, avait des bureaux bd de la Liberté vers l'ancien hôpital.
J'ai décidé ensuite de préparer le concours d'ingénieur TPE (Travaux Publics d'Etat) afin de gravir l'échelon supérieur. Pour l'admissibliité, il n'était pas nécessaire d'avoir des diplômes, juste certaines connaissances. Cela nous offrait ensuite 3 possibliités d'admission. J'échouais à l'admissibilité.
En 1935, après un dernier échec, je dis à ma mère : "Man, si je reste, je ne m'en sortirai pas". Ce à quoi elle me répondit : "é iou sou diès pitchou fai ce qué te voles".
Influencé par mon collègue Marmatta, déjà installé à Paris, je m'inscrivais gratuitement au Conservatoire des Arts et Métiers.
En novembre 1935, je suis muté sur ma demande aux Ponts et chaussées 244 bd St Germain à Paris. Mon parrain avait appuyé ma demande. Je fus affecté dans un service inintéressant (calcul des retraites, revalorisation, etc…….).
Je me souviens de mon premier cours au conservatoire. Le professeur de math, M. Bricard dont la famille était les célèbres fabricants de serrure fit une évocation de Paul Painlevé.
Je ne revenais pas souvent à Draguignan. Toutefois, en 1936, je rentrais pour voter. Gustave Fourment était sénateur du Var. Il menait la politique. Le parti socialiste de l'époque traversait une crise, des luttes idéologiques internes agitaient les représentants du parti. Pierre Renaudel était député socialiste de Toulon.
Je m'étais fixé 3 principes pour avancer dans ma vie :
- Ne pas me marier avant mon admissibité au concours d'ingénieur TPE.
- Ne pas me marier avec une fille unique.
-  Ne pas me marier avec une parisienne.
En fait, je n'ai respecté aucun de ces trois principes. Je me suis marié en 1938 avec une fille unique et parisienne, avant mon admissibilité.
Mon frère s'était marié avant moi avec une fille de Luchon. Son mariage ne fut pas très heureux.
En 1938, je fus admis au concours d'ingénieur TPE.
J'aimais beaucoup ma ville natale. Dans mon bureau, j'avais affiché une photo de la place du marché et de la tour de l'Horloge à Draguignan. Cette photo ainsi que celles de ma famille et de Julien Cazelles (parrain de ma fille) m'ont accompagné tout au long de ma vie jusqu'à aujourd'hui. Les dessins de Plantu dans le journal Le Monde ont également fait partie de mon décor familier.
Après la guerre, j'ai été rappelé à Draguignan. J'avais moins de 40 ans. J'ai été un acteur important de la reconstruction de mon Var natal. Tout le littoral était très touché contrairement à l'arrière pays à part queleques points d'ancrage de ci de là dans les terres (je vous recommande la lecture de "Résistance dans le Var" de M. Guillon).
Je me souviens encore très bien de ce jour d'août 1945 où je parlais avec mes camarades Cazelles, Soldani et d'autres de la reconstruction. Nous devisions sur le sujet en compagnie de Louis Gilly tout en marchant de l'esplanade à la boulangerie Barinou à côté du théâtre. Louis Gilly était correspondant au petit Provençal. Il a joué un rôle important auprès de la municipalité. Draguguignan avait peu souffert. Quelques bâtiments publics et le collège avaient subi des détériorations. J'ai donc fait en sorte que les travaux soient vite effectués. J'assumai la charge de la reconstruction depuis mars 1944 sous les ordres de M. Vidal en concertation avec Antoine Fouro, le maire de Draguignan de cette époque.
Pour revenir à la Libération, les Américains sont arrivés à La Motte vers Ste Roseline. Il y avait un grand terrain proche de la Nationale 98 vers le passage à niveau. Il y a maintenant un très beau vignoble. Ce terrain à la Libération était truffé de piquet fichés en terrre. Nous les avions appelés "les bites à Rommel". Ils empêchaient les atterrissages éventuels et aussi les parachutages. Le commando de FFI avec Julien Cazelles retardait l'armée allemande pour faciliter l'arrivée des troupes américaines.
Les femmes aussi ont joué un rôle très important. Thérèse Cazelles aurait été intarissable à ce sujet. Je sais qu'elle travaillait à l'hôpital. Marie-Jeanne Barbéris a beaucoup participé comme agent de liaison.
Le Var, Draguignan, c'est la région de mon enfance. C'est le pays de mon père, de ma mère, de mes racines en somme.
Je me souviens des fêtes locales, particulièrement celle de la St Hermentaire. Le corso fleuri avec mes camaraddes de "La Dracénoise", association créée en 1902 par des jeunes gens sportifs.
J'ai fréquenté avant l'âge de 10 ans le local rue Bernard Trans. Nous faisions chaque année un déplacement majeur. C'est ainsi que je suis allé à Paris, à Alger, en Italie, etc……..Le père Lajot huissier à la Préfecture supervisait, ces braves gens cultivaient notre corps et notre esprit, tout cela gratuitement.
Pour revenir à la fête de la St Hermentaire , il y avait des concours de boules, des concours de chants à Portaiguères, c'était très bien.
Le lundi à l'hôpital, il y avait une démonstration de gymnastes en culottes courtes et chemisettes blanches. Les prestations étaient fortement applaudies par les aînés.
Le mardi, c''était le corso fleuri. Nous allions cueillir des genêts, de l'asparagus et d'autres fleurs. Nous complétions avec des fleurs achetées, des œillets, etc……. C'était la liesse pour les dracénois.
La légende de St Hermentaire terrassant le dragon vient de l'histoire de la rivière la Nartuby qui coule jusqu'à la Clappe. Elle se perd ensuite dans un terrain d'alluvions et disparaît dans le sous-sol. Au pont de Lorgues, elle est à sec. Elle resurgit aux Incapis, à la Foux…..D'ailleurs, à cet endroit, la famille Renoux avait des jardins maraîchers. Le mercredi et le samedi, ils allaient vendre leurs légumes au marché, cela doit encore se faire.
A la hauteur de cette résurgence, le fils de Paul Gueraud a aménagé un bassin d'élevage de truites.
La place aux Herbes à Draguignan est restée pour mois un lieu de prédilection. De cette place, en tant qu'enfant, nous avions accès à toutes les rues de l'Observance, la Juiverie. J'ai d'ailleurs utilisé la photo de cette place pour mon livre (36 discours de professeurs du collège de Draguignan). La Commune Libre de Portaiguères était un peu excentrée, je ne l'ai pas connue en tant que telle. Par contre, deux bandes de jeunes gens s'opposaient : d'un côté Portaiguères, de l'autre le Portail de Trans. Il y avait parfois des affrontements stupides. Heureusement, les fêtes faisiaent l'unité de la ville avec tous les quartiers. Le café des Philosophes est né au 19 ème siècle. Les hommes se réunissaient dans des chambrées, dans des clubs de travailleurs. M. Guillaume ourrait vous en dire plus sur ce sujet.
L'hôtel Bertin avait une diligence. Je la revois. Ils allaient chercher les gens au Champ de Mars.


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