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Interview de Madame Marie-Jeanne Barberis



Elle était mariée depuis le 4 août 1937 lorsqu'il est passé une loi faisant payer un impôt sur le célibat. Ors elle avait deux ans de « pseudo » célibat , son époux étant prisonnier, elle a été considérée comme femme seule et par conséquent, a dû régler cet impôt.
Son mari était en captivité, tout le temps de la guerre du 3 septembre 1939, il en est revenu le 17 avril 1945 : « Il était au Ostagennem près de Munich, nous avions droit à des cartes pour communiquer, que les Allemands nous donnaient s'ils le voulaient bien : des cartes imprimées, au verso desquelles le prisonnier écrivait son nom, son matricule et tout ça. et puis, elles arrivaient avec pas mal de retard, et vous n'aviez droit à la réponse que sur une ligne qui vous restait. et alors, il fallait bien peser les mots, mais moi j'avais tranché la question, on faisait un colis par semaine. Pour le faire, il fallait que j'ai une étiquette qu'il m'envoyait lui, mais il y avait beaucoup de prisonniers qui envoyaient des étiquettes et dont les familles ne pouvaient pas faire le colis. Alors, on me passait les colis avec les enfants et j'avais une étiquette supplémentaire.

Autrement dit, je pouvais lui écrire une fois de plus.
Le courrier était censuré d'ailleurs il m'arrivait souvent "sanctionné". On vous apprenait à devenir rusé quand c'est comme ça. Dans les colis, je mettais des bonbons fourrés enveloppés dans des papiers. Alors, il y en avait avec desquels, ceux avec les papiers dorés, j'enlevais le contenu et à la place je roulais des feuilles de correspondance pour avion sur lesquelles, j'écrivais tout à mon mari. Tout ce que disait "Radio-Londres", et il savait donc tout ce que disait "Londres", tout ce que nous entendions.
Mais quand le colis arrivait... Les Allemands quand ils les recevaient, ils les défaisaient tous et mélangeaient tout : les bonbons, les sardines, les lapins... Vous aviez tout dans la même gamelle.
Alors, il me disait, il m'écrivait :" En ce moment, les bonbons n'arrivent pas bien. Tu devrais t'abstenir". Et il m'est arrivé tous les lundis, je mettais mon colis le matin, il m'est arrivé d'aller... Le courrier passait vers neuf heures, maman me le portait à l'école, quand je lisais ça à onze heures et demi, je partais en courant à la gare et je reprenais mon colis pour enlever les bonbons et comme il étai déjà enregistré, je le refaisais tout de suite et je le redonnais encore. C'est comme ça, que j'ai communiqué avec mon mari sans que les Allemands s'en rendent compte, sans qu'ils se doutent jamais que c'est dans ce courrier qu'il y avait tout. Et après, j'en mettais deux des bonbons, c'était les bonbons fourrés : dans les rouges en général il y avait ça, dont un qui était très personnel, c'était pour lui et l'autre, qu'il pouvait passer aux copains. Alors pour celui-là, il allait aux toilettes, c'était des planches simplement et il mettait ça sous la planche. Les copains se succédaient aux cabinets pour lire ce qu'il y avait sur le papier.
Les enfants étaient malheureuses, il fallait les soulager car elles voyaient leur maman souffrir. Donc il fallait s'en occuper beaucoup, elle venait vers moi même pour acheter un manteau.
"Si je le prends bleu, c'est la mode ?"Des choses très amusantes donc j'ai eu des passages difficiles avec des familles parce que certaines se débrouillaient cependant ce n'était pas le cas pour tout le monde » raconte-t-elle.
L'époux de madame Barberis ignorait qu'elle était dans la Résistance bien qu'il s'en douta parce qu'elle était très amie avec Julien Cazelles , sa famille et sa femme Thérèse.
Elle relate avec une modestie qui lui est propre que grâce à eux, elle a été entraîné à « rendre service aux autres »…
« Rendre service » cela signifiait : le passage d'amis et de relations en lieu sûr, l'écoute des messages retransmis sur la radio qui se faisait dans sa maison, « traverse des Jardins » au nez et à la barbe des nazis.
Elle était agent de liaison. On venait lui porter du courrier pour Garrus ou Fontès à l'école – lieu commode pour cela – qu'elle allait remettre à la nuit tombée, à monsieur Chimann, une personne de la Résistance qui s'occupait des sanctions. Juriste de métier, elle lui amenait le courrier en prenant de gros risques car il fallait qu'elle passe par Les Tours où se trouvait un poste d'Allemands, pourtant elle exécutait sa tâche tranquillement.
Malgré le secret existant, elle connaissait un bon nombre de résistants ,car elle allait leur chercher de fausses cartes d'identité que Soldani, bien placé à cette époque lui remettait, il était plus connu dans le réseau sous le pseudonyme de « Valmi ».
Madame Barberis cachait des gens dans son grenier. Elle les faisait entrer par les toits.
Bien sûr, la peur était présente surtout quand il y avait des arrestations, cependant la pensée d'aider les autres et que son mari reviendrait ainsi au plus vite, lui faisait sublimer cette peur en agissant.
Il y avait peu de femme dans la Résistance, elle a connu madame Ferraud qui cachait des papiers. Elle habitait au Malmont.
Quand les Allemands sont arrivés – ils ont même occupés la zone libre - les enfants de l'école Mireur ont entonné « La Marseillaise » à tue-tête, car ils n'étaient pas certains par la suite de pouvoir la rechanter librement.
Ils ont réquisitionné l'Ecole en guise de campement.
 « Nous mettions les enfants dans la wagonnette – qui était une sorte de petit chariot - pour les protéger pendant les alertes et les emmenions derrière la Préfecture. Et , nous prenions aussi les cartes de géographie, les livres de lecture … Nous sortions tout le matériel que l'on pouvait, déclare la vieille dame, car les occupants prenaient tout le mobilier neuf de l'école pour l'envoyer en Allemagne et ce qui ne partait pas, il le brûlait en en faisant un grand feu de joie. (enfin pour eux !)
Les plus à craindre était ceux qui se trouvaient à l'hôtel Bertin et à Saint Léger. »
« Altieri, c'était celui qui est allé à la rencontre des Américains ! Parce que c'était bien joli mais ils ne voulaient pas venir. Ils avaient peur, ici il y avait la Gestapo, la Kommandantur. Ils voulaient contourner Draguignan, d'ailleurs il y a eu un faux débarquement… Le Maquis avait bougé, il voulait descendre en ville. Mais il ne fallait pas qu'ils fassent les idiots … » se rappelle-t-elle.
Le lycée Jean Moulin a servi d'hôpital français.
La solidarité était présente, partout, en ce temps-là.
Le marché noir fonctionnait en plein et madame Barberis se souvient que les commerçants n'avaient rien à vendre en apparence, mais qu'au marché noir elle se procurait du lapin qu'elle cuisinait, puis qu'elle faisait parvenir à son mari en morceaux dans des pots.
Elle a appris le retour de celui-ci par un télégramme. Monsieur Barberis Sous-officier et rebelle au travail obligatoire avait été puni. Il lui avait écrit : « Enfin, je peux revenir vers toi, les Américains sont là … ». Néanmoins, le bout de papier prometteur fut suivi d'une période d'angoisse car le « télégramme officiel » de la Croix Rouge n'arrivait pas. Puis, comme beaucoup d'autres, elle alla enfin l'attendre à la gare aux Arcs : il avait maigri de 25 kilos, mais malgré ses années de camp de concentration une « belle » amitié s'était nouée avec Jean Gache. L'un « accompagnant » l'autre et vice-versa durant cette longue captivité. Qui s'est poursuivie hors de cette rude période.
A la Libération, les Américains sont arrivés par la route de Montferrat.


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