Le modernisme


M. Constans a observé une évolution :
“La guerre a amené de nouvelles méthodes, le modernisme. La guerre nous a aussi appris à conserver les choses et à les réparer. Moi, je ne jette rien, je redresse même les vieux clous pour les réutiliser. Les problèmes de ravitaillement ont perduré jusqu'à la fin des années 40. Les routes n'ont pas été rétablies tout de suite.”
 

La reconstruction

Après la guerre, il fallut remettre en état les bâtisses âbimées.

M. Vergelin participa activement à la reconstruction :
“Quelques bâtiments publics et le collège avaient subi des détériorations. J'ai donc fait en sorte que les travaux soient vite effectués. J'assumais la charge de la reconstruction du Var, surtout le littoral qui était très abîmé, depuis mars 1944, sous les ordres de M. Vidal en concertation avec Antoine Favro, le maire de Draguignan de cette époque.”

Il fallut également remplacer les installations vétustes, les améliorer par du neuf. L'amélioration des conditions sanitaires à Draguignan s'est amorcée à partir de 1916 par l'installation d'une usine d'épuration permettant d'accéder à des sanitaires et à l'eau potable n'existant pas dans les logements.

Les gens profitèrent de l'installation de douches municipales. Parallèlement à la construction de cette station, la cité s'est dotée d'un réseau d'égoûts près des grands axes.

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L'arrivé du gaz sur la commune de Draguignan
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Le jules

La ville s'est peu à peu raccordée aux collecteurs principaux car, jusqu'ici, chaque habitant possédait au rez-de-chaussée dans un petit endroit intime, au fin fond d'une remise, une cornue en bois avec un couvercleen liège dans laquelle on vidait les déjections.

Mme Carovani le confirme :
“Après-guerre, nous n'avions pas les toilettes… Il n'y avait pas de douches, sauf les municipales.”

En campagne, les agriculteurs déversaient le jules sur leurs terres. Les autres le faisaient lors du passage du ramasseur de tinettes car des maisons n'avaient pas été branchées au réseau immédiatement et ce, jusqu'en 1949.

Mme Nanelli allait à la rivière :
“Nous n'avions pas de toilettes, nous descendions vider le seau hygiénique au vidoir de Gansard. Nous allions chercher l'eau à la fontaine en plusieurs voyages.”

Mme Bonnay se souvient d’un rituel :
“On prenait le frais, c'était la coutume. Avant de monter, nous les gamins, on faisait pipi dans le ruisseau. Cela ne surprenait personne, il n'y avait pas de toilette.”

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HLM Achard
 

 

L'habitat

M. Ferrier a dû se moderniser :
“Après la guerre, il a fallu tout reconstruire, se moderniser, nous n'avions pas de salle d'eau.”

En 1952, un nouveau type d'habitation poussa près des maisonnettes provençales et des immeubles cossus. Il s'agit des HLM Achard bâtis sur le terrain du même nom.

Mme Carovani a profité de ces nouvelles constructions :
“Puis, on est allé habiter dans les HLM.”

Ce qui signifiait le début d'un confort appréciable.
D’autres ont construit leurs maisons, individuelles, d’après les plans de logement économique et familial.

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Projet type homologué
de logement économique
et familial
 

 

Le développement automobile

De nos jours, pratiquement toutes les familles possèdent une automobile, voire deux ou trois.
Mais avant, c'était un privilège d’avoir à soi une Rosalie par exemple. Pour les plus fortunés, c’était une Hotchkiss.

Mme Paglia était privilégiée :
“En juillet-août, on partait avec la voiture, une Hotchkiss. Il fallait de l'argent. Mon mari l’avait payée 45 000 Francs, je crois”.

Peu de personnes avaient une voiture garée au sous-sol de leur maison ou devant chez elles.

M. Ferrier circulait plus modestement :
“Avant la guerre il y avait peu de voitures. On se déplaçait à pied, en vélo ou en charrette. Je me souviens de personnes qui allaient à la mer, avec le cheval. Elles partaient pour deux ou trois jours et mettaient cinq heures environ.”

Mme Benet n’allait pas à l’école en voiture :
“On ne sortait pas la Traction avant comme cela !”

Les femmes commencèrent à passer leur permis de conduire.

Mme Martin avait besoin de la voiture pour son travail :
“Dans l'administration, on bougeait. Plusieurs femmes l'ont passé. Une dame, un jour, a été surprise de me voir conduire car je marchais beaucoup ; c'était surtout très utile pour mon travail. Je la changeais tous les 80 000 km. Mon mari voulait que j'apprenne la mécanique au cas où je tomberais en panne.
Comme cela ne me plaisait pas trop, j'ai fait un essai. Je suis partie, j'ai fait comme si j'étais en panne et plusieurs voitures se sont arrêtées. Alors, je me suis dis que je n’avais pas besoin d'apprendre, je trouverais toujours bien quelqu'un.”

Avec le modernisme, les voitures abondèrent et au fil des ans elles se transformèrent, répondant aux besoins de la clientèle.

La DS fut de plus en plus confortable grâce à ses suspensions étudiées.
L'Aronde réduisit le diamètre de ses roues permettant une meilleure tenue de route.
La 2CV Citroën s'équipa d'une vitesse de pointe, c'est-à-dire que l'on pouvait rouler plus vite, jusqu'à 90 km/h.
La 4CV eut la particularité d'être montée avec un embrayage automatique. On appuyait juste sur un bouton pour passer les vitesses.
La Panhard fut pourvue d'une carrosserie légère. Peugeot offrit un éventail de choix en 203, la familiale, spacieuse, le cabriolet décapotable, la berline.
Les concessionnaires Ford vantaient la majestueuse Vedette à six places. Cette longue voiture nantie d'une ligne superbe, aux ailes racées, bénéficiait des qualités requises pour voyager sans fatigue et possédait un coffre volumineux.

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Hotchkiss Anjou 1350 -1951
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Traction avant
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4CV
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Ford Vedette
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L'électricité
Peu à peu, le confort s’installait. 
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M. Ferrier décrit avec philosophie ce passage du peu au mieux : “Avant, les gens se contentaient de peu, on avait juste ce qu'il fallait. Le feu à bois était allumé toute l'année. On faisait le café dans la cheminée. On a acheté le gaz en 1953. On prenait le temps de vivre. On avait une table, quatre chaises tout le monde était pareil… On s'éclairait pendant la guerre, à l'huile d'olive. La vieille huile de l'année d'avant, on la brûlait. On faisait du savon. On avait la lampe à pétrole à Montferrat.
On s'éclairait au carbure après le pétrole, cela noircissait le plafond. Puis on est passé à l'électricité.”

Un an après la Libération, Mme Bérenguier a profité d'un des bienfaits du progrès, le gaz ! En effet, ce fut la première dame à en bénéficier à Callas. Parce que devenue maman, le maréchal-ferrant lui donna un réchaud en remplacement de la grosse cuisinière à bois.

“Chauffez-vous au gaz. Réchaud-four avec bouteille de butane.” lisait-on dans les magazines. Une publicité était menée pour l'eau chaude, pour le frigidaire se substituant au garde-manger.

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Mme Benet en bénéficia :
“Mes parents m'avaient donné un vieux réfrigérateur. Sinon, c'était un meuble en bois avec un tiroir, le tout recouvert de fer et l'on y mettait de la glace que la scierie Collomp nous livrait dans un vieux camion. Nous n'avions pas tant de choses à conserver au frais… Il n'y avait pas de date à respecter comme maintenant.”

Le quotidien de Mme Ferrier fut amélioré par l’acquisition d’un frigidaire : “On l'a eu tard. Peut-être que les riches l'avaient.”

Dans ces réclames, on apprenait que le réfrigérateur se casait facilement dans une cuisine exiguë et qu'il existait en modèle de luxe et standard.

   
La lessive

Peut-on se représenter les femmes et les jeunes filles d'antan, lorsqu'elles venaient laver le linge apporté dans des corbeilles. Semblables à une envolée d'hirondelles. Claquant le pavé de leurs galoches, elles envahissaient le lavoir en s'éparpillant le long de la pierre.
Tout en frottant énergiquement sans relâche, elles bavardaient, s'interpellaient ou échangeaient des ragots à mi-voix, se heurtant aux limites du plafond.

Après son mariage, Mme Ferrier allait au lavoir de Montferrat tous les week-ends. Toute sa famille était au village et lui manquait.
“J'ai lavé pendant 20 ans au lavoir qui était toujours plein. Chacun disait son histoire. C'était la gazette du village.”

En été, l'eau avare coulait, peu rafraîchissante, mais les jeunes tentaient de s'éclabousser à grands renforts de plaisanteries. En hiver, elle était glacée et meurtrissait les mains féminines.
Ces moments de complicité, elles ne les auraient échangés pour rien au monde. Bien que leur tâche fût fatigante, les draps pesant leur poids, ces heures de connivence volées à un quotidien ardu leur étaient nécessaires.

Mme Carovani accompagnait sa maman :
“Ma mère lavait quarante draps par semaine, coulés dans la cendre. C'était un lavoir près de l'église des Minimes. Il y avait une dame qui possédait un grand jardin avec cinq ou six lavoirs et les gens du quartier venaient chez elle. Il y avait de grands chaudrons où l'on pouvait mettre une cinquantaine de draps. Il y avait un bassin pour laver, un pour rincer. Les femmes mettaient la cendre, l'eau chaude dessus et les draps qui étaient uniquement blancs, ressortaient très propres, blanchis à la cendre. Je devais avoir une douzaine d'années.”

Elles n'achetèrent pas tout de suite la machine à laver (mini-révolution pour les ménagères) qui lavait sans défaillance et sans bruit. Il semble qu'après la guerre, le silence était d'or car, non seulement les voitures étaient proposées comme étant silencieuses, mais aussi les appareils électroménagers. Toutefois, si certaines de ces femmes en ont vu dès leur mise en vente sur le marché, il y en a qui préféraient continuer à se rendre au lavoir.

Mme Martin aimait y aller :
“Ma mère ne voulait pas de machine à laver. Sur la bugade, je vais vous en dire. D'ailleurs, si on travaillait mal à l'école, ma mère disait :
– “Tu seras bugadière”.

J'ai toujours aimé lavé le linge. Quand j'étais petite, ma mère me posait une pierre, me mettait un tablier et je lavais de bon cœur. Couler la lessive, c'est tout un art. Vous voyez, on savonne le linge, ensuite on le met dans le cuvier que l'on recouvre d'un grand drap. On dépose la cendre, on fait chauffer de l'eau, puis on arrose toute la journée, petit à petit, sur les cendres de bois et l’eau coule en dessous dans la cuvette. Ensuite, nous allions rincer le linge au bassin-lavoir.
Nous avions une cousine qui avait un hôtel-restaurant, elle nous demandait de faire couler la lessive pour avoir la blancheur désirée, car elle savait que ma mère le sortait d'une blancheur extrême. Faire la bugade, je l'ai fait avec ma mère et encore au début de mon mariage. J'ai eu ma machine à laver en 1958 car je travaillais, mais il y avait encore du blanc que je coulais.”

Puis d'autres, qui mettaient de l'argent de côté pour en acheter une avec quelque surprise au bout. Tel fut le cas de Mme Benet : “En 1956, j'ai voulu la machine à laver. J'avais économisé et quand je suis arrivée pour l'acheter, elle avait augmenté. J'ai donc attendu encore un peu. A l'époque, on ne faisait pas de crédit, on ne partait pas sans payer. Je me souviens que je branchais un tuyau au robinet, je la remplissais, elle chauffait, elle tournait, je la vidangeais, je la remplissais à nouveau pour rincer le linge. Elle avait deux rouleaux et une poignée qu'il fallait tourner pour essorer.”

Evidemment ce n'était pas la panacée. Néanmoins, c'était un bon début ! Dans le passé, chaque objet créé était résistant, solide. Fait pour durer.

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Lavoir Capesse - Draguignan
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Chaudrons lavoir Rossetti
Draguignan
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Bacs lavoir Rossetti
Draguignan
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Etendoirs lavoir Rossetti
Draguignan
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Bugadière - Montferrat
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L'habillement

Le monde de l'habillement innova une ligne constituée de tissus moins rêches. Qu'il était charmant d'apercevoir une personne vêtue d'un élégant tailleur et de gants assortis, chaussée de talons aiguilles ricochant gracieusement sur le bitume.

Mme Paglia a conservé un manteau qui avait été confectionné pour elle à Draguignan :
“Je m'habillais chez une très bonne couturière qui habillait, je ne veux pas dire l'élite mais disons la bourgeoisie (il fallait des moyens). Je m'habillais aussi chez les demoiselles Garnier, deux sœurs qui tenaient boutique. Aujourd'hui, les patrons ne sont plus les mêmes, c'est le magasin « Chiffon ».
Il n'y avait que des modèles et j'ai encore un manteau figurez-vous, noir, superbe, avec du renard argenté aux manches. Je l'avais payé 35 000 Francs, à l'époque ce n'était pas donné. Mais c'était classique, chic. Mon dieu ce manteau ! Un jour à Nice, je passe devant les Galeries avec ma fille et je vois un manteau comme celui-là. Mais au lieu d'avoir le renard argenté aux manches, la fourrure était placée à l'endroit où se trouvait la passementerie sur le mien. Je vais trouver une couturière, amie de maman, et je lui ai demandé de déplacer le renard. Je l'ai toujours ce manteau. Un jour de Noël, ma fille de Nice m'invite au restaurant. Je me suis habillée élégamment et j'ai revêtu mon manteau.
Elle s'est exclamée :
– “Oh, que tu es élégante maman !”
– “Si tu savais l'âge qu'il a ! “
lui ai-je répondu en riant.”

Qu’il était plaisant de s'acheter ou de coudre pour trois francs six sous, des jupes droites qui s'arrêtaient au-dessous du genou, légèrement fendue derrière pour ne pas gêner la marche et qui épousait subtilement la silhouette.

De revêtir des robes amples et aériennes ou bien plus sages, à petits plis.

D'adopter une tenue décontractée en mettant un pantalon corsaire et des ballerines. Et même si les mœurs étaient empreintes d'un voile de pudeur, un petit maillot de bain supplantant le maillot de l'époque fit fureur, le bikini vichy rose ou bleu.
Qu'il était agréable de feuilleter des magazines et de découvrir la lingerie en vogue. De rêver sur la gamme de rouge à lèvres, de savonnettes, de crèmes de beauté et de parfums de marques célèbres, encore bien trop onéreux pour bon nombre de porte-monnaie.

Tant pis, les femmes se consolaient en se faisant cadeau d'une belle paire de bas de couleur chair ou noire, ornée d'une couture sur l'arrière de la jambe. Les porte-jarretelles et les guêpières étaient indispensables. Il en existait de très jolis avec des frou-frou.

Les hommes ne furent pas oubliés et les magasins étalèrent des chemises en nylon (pratiques parce qu'il n'était pas utile de les repasser), des costumes sombres en tergal, des ceintures en cuir, des chaussettes en laine sur des rayonnages en bois, à côté des rasoirs électriques et des lotions miracle contre la calvitie.

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Le manteau de Mme Paglia
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Une élégante
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Une mère et ses enfants
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Deux jeunes filles
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En bain de soleil
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Hommes en costume

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