La résistance


Les difficultés se sont amplifiées avec l'intrusion étrangère.
Les femmes résistèrent.

L’Abbé Boyer leur rend hommage :
“Il y avait aussi des femmes dans la résistance. Elles avaient pour rôle de transporter des messages, rôle dangereux et, de plus, on ne savait pas qui surveillait qui, n'est-ce pas !
Les gens qui pouvaient surveiller étaient aussi anonymes que vous et moi dans la rue.
Alors voir un manège une fois, deux fois, six fois aurait pu donner l'éveil et puis il y a eu, hélas, les dénonciations.
C'était effroyable. Le rôle des femmes dans la résistance a été important. Il y en a eu qui ont fait le coup de feu aussi certainement. Il en reste quelques unes de vivantes telles que Mme Barbéris et encore un tout petit nombre.”

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L'école Mireur - Draguignan
Mme Barbéris a assisté avec émotion à l’arrivée des Allemands :
“Lorsqu’ils sont arrivés à Draguignan, j'étais à l'école Mireur. Nous avons entendu sur la place Claude Gay l'annonce de leur arrivée, des camions, des chars, un vendredi après-midi. Nous les avons regardés depuis les fenêtres de l'école qui donnent sur la place. Comme un seul homme, immédiatement, la cour intérieure de Mireur a retenti de la Marseillaise.
L'une des enfants l'a entonnée, nous les avons encouragées :
– “Chantons-la, nous ne pourrons plus la chanter librement.”
Nous chantions la Marseillaise d'un seul mouvement”.
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Maison de la Sous-Préfecture
Draguignan
L'ennemi a réquisitionné l'école en guise de campement. Jeanne Barbéris institutrice, voulant mettre à l'abri ses chères petites, rappelle comment, aidée des autres enseignantes, elle procédait :
“Nous mettions les enfants dans la wagonnette (qui était une sorte de petit chariot à quatre roues) pour les protéger pendant les alertes et nous les emmenions derrière la Préfecture où, en cas d’alerte, nous devions mettre les enfants à l’abri. Et nous y mettions aussi les cartes de géographie, les livres de lecture… Nous sortions tout le matériel que l'on pouvait car les occupants prenaient le mobilier neuf pour l'envoyer dans leur pays.
Et ce qui ne partait pas, ils le brûlaient en faisant un grand feu dans la cour de l’école.”

L'arrivée des troupes allemandes dans son village de Montferrat revient à la mémoire de Mme Ferrier :
“Je me rappelle le jour où ils ont dit :
– Les Allemands arrivent !
On avait peur, on courait dans tous les sens. On était petit mais on s'en souvient très bien. Il y avait des Allemands partout dans le village. Ils ont réquisitionné les plus belles maisons, l'école, la chapelle Saint-Roch qu'ils habitaient.”

La population en Dracénie, solidaire, se serrait les coudes et ne pliait pas devant l'ennemi.
Le rythme de travail dans les entreprises ralentit, subitement.
Les Provençales, avançant à la vitesse d'un escargot au risque de paraître lentes aux yeux des Allemands, du reste elles s'en moquaient, boycottaient les tâches demandées.

Mme Giraud dénonce :
“La seule condition pour travailler, était l'obligation de vendre des légumes aux Allemands. Mon oncle était associé avec ma tante Marie. Cette condition ne plaisait pas à ma tante, elle avait donc retiré tous les cœurs de salade.”

Le soir alors qu'ils étaient attablés, ils entendirent frapper à la porte. C'étaient les Allemands !
Ils leur présentèrent les salades sans cœur. Marie et Georges pensèrent leur dernière heure arrivée. Mais les choses s'arrangèrent après un bon sermon débité dans une langue incompréhensible

A Montferrat, Mme Ferrier du haut de ses cinq ans, résistait à sa façon :
“Les Allemands nous donnaient toujours du pain.
Nous, on était petit, on se disait :
– Oh ! Il est peut-être empoisonné !
Et on le faisait tremper pour les poules”.

C'était une résistance passive, et pourtant salutaire, pour ne pas sombrer dans l'angoisse et pour soulager leur colère.
Malgré leurs actions qu'elles qualifiaient modestement par ces mots « rendre service aux autres », des femmes ont pris de gros risques dans la résistance.

Mme Tummino résidait à Paris à ce moment-là :
“Je travaillais à la Vie Ouvrière qui était le journal de la CGT. Quand il y eut la déclaration de la guerre, le fonctionnement du journal fut perturbé. Alors, j'ai milité clandestinement. Je suis allée chez un camarade. Je lui donne rendez-vous à huit heures le soir. Malheureusement, il l'avait noté sur son carnet en marquant :
– Jeanne, huit heures.
A l'heure dite, il y a eu une descente de police. Si bien que quand je me suis rendue sur le lieu, on m'a demandé :
– “Vous êtes Mlle Jeanne ? Je crois que vous êtes attendue.”
Et nous avons été emmenés quai des Orfèvres.”

Elle se souvient d’une anecdote :
“Mais avant, on passe par Pigalle pour embarquer des prostituées, si bien que j'étais dans le fourgon avec ces filles. Un policier s'adresse à moi en me tutoyant, je lui rétorque :
– “Je ne vous permets pas de me tutoyer”.
Un autre policier lui ordonne de ne pas répondre car mon cas était politique. Ils m'ont gardée vingt-quatre heures en garde à vue. Ensuite, ils m'ont laissée en liberté provisoire, mais mon copain n'a pas été libéré. J'ai dû prendre un avocat pour me défendre car j'allais passer en jugement.
Un jour, on me prévient que mon avocat avait été fusillé.
C'est à ce moment-là que j'ai demandé une remise de mon affaire et bien entendu, je suis partie en zone libre.”

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FFI : Rebelles ? Terroristes ?

Après son mariage, Jeanne Tummino est venue à Draguignan et a entraîné son mari dans la résistance :
“Je me suis contentée de m'occuper du Parti communiste de Draguignan, de faire de la résistance pour le PC de la ville.
Dans notre groupe, il y avait un ancien militaire espagnol Joseph Garido. Personne n'en a parlé et pourtant, il a rendu de nombreux et immenses services. Et sa copine ! Elle était polonaise et travaillait à la pharmacie Reboul. Retournée, dans son pays, elle est devenue membre du gouvernement polonais. Elle était très bien aussi.”

Les résistants étaient principalement des hommes de vingt-cinq à quarante ans. Ils n'avaient pas toujours été considérés à leur juste valeur, la population ne sachant que penser de ces hommes qui vivaient secrètement dans les bois. Rebelles ? Terroristes ?

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Jean Tais au guidon

L'ennemi se méfiait moins d'une femme, elle pouvait faire passer des renseignements, comme le confirme M. Charrier :
“Il y avait eu une réunion avec Edouard Soldani aliasValmy, Jean Cassou alias Bastia et tous ceux de la région qui avaient des fonctions importantes. Parmi eux, des femmes, Mme Soldani, ma mère, ma tante et Odette Pellerut travaillant à la Préfecture qui se chargeait de fournir des renseignements. Elles étaient sérieuses et moins surveillées.”

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Chemin des Tours

Elles avaient peur pour elles-mêmes ou pour leurs familles dans ces moments difficiles.

Mme Tummino continuait malgré tout :
“On ne savait pas comment cela allait tourner. J'avais très peur pour mes parents. Heureusement que je ne leur avais pas dit où j'étais.
Ils avaient emmené mon père pour le faire parler mais il n'avait rien à dire, donc ils l'ont relâché. Il était quand même déjà âgé. Nous n'avions pas peur, il faut le dire, nous étions inconscients du danger. On avait quand même la peur au ventre, mais nous étions jeunes.”

Elles passaient plus discrètement, renseignaient les résistants et transportaient les documents.
Dans la maison de Mme Barbéris, au numéro 1, traverse des Jardins, Fontès venait écouter les messages retransmis par Radio Londres, à la barbe des nazis. Jeanne Barbéris était agent de liaison. On venait lui porter du courrier pour Garrus, Fontès, à l'école (c'était un lieu commode). A la tombée de la nuit, elle le remettait à M. Shipmann, juriste de métier, qui s'occupait des sanctions dans la résistance.
Le cœur battant à tout rompre, mais conservant son sang-froid, elle devait passer par le Chemin des Tours et ne pouvait éviter le poste de garde allemand croisant sa route.
Qu'importe, elle passait devant, l'air de rien. Connaissant une quantité de maquisards, elle allait chercher de fausses cartes d'identité qu'Edouard Soldani (Valmy), lui fournissait pour les requis qui ne voulaient pas partir au STO. La jeune femme d'alors, cachait aussi des gens dans son grenier qu'elle faisait entrer par les toits.

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La fausse carte d'identité
de M.Bernard

M. Bernard a utilisé de fausses cartes d’identité :
“Nous reprenons contact avec un agent de liaison et obtenons de fausses cartes d'identité. Je m'appelais Charles Boyer et mon camarade Albert Garcin. Nous gardions la première lettre de notre nom et de notre prénom.”

Les femmes dissimulaient des documents à leur domicile.
Mme Tummino en témoigne :
“Dernièrement, il y a eu un reportage disant qu'il y avait eu un accord entre Pétain et les Allemands à Paris pour arrêter les résistants, qui serait exécuté par la police française. Moi, c'est les Français qui m'ont arrêtée. J'habitais au premier étage d'une maison et mes parents au-dessus. Ils ont tout fouillé. Ensuite, ils sont allés perquisitionner chez mes parents. Ma mère tremblait comme une feuille car elle avait une cafetière où elle cachait les cartes d'alimentation des résistants. Là oui, j'ai eu très peur pour mes parents. Cela fait un drôle d'effet. Chez moi, ils n'ont rien trouvé. Je n'avais rien, je n'étais pas folle.”

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Dortoir dans les camps

Elle transmet précieusement ses souvenirs encore emplis de peine :
“Le curé de Bargemon a été arrêté. Son frère, c'était le capitaine de mon mari. Il a fait la campagne d'Alsace.
Je disais au capitaine :
– “Pourquoi votre frère s'est-il fait curé ? Cela ne lui convient pas.”
Il me répondait :
– “Surtout ne lui dites pas cela, car je me demande si, parfois, il ne le regrette pas !”
Il faisait de la résistance.
C'est Viard qui l'a dénoncé et puis des « bonnes âmes » de Bargemon. Il mettait le pantalon, prenait sa moto et partait sans hésiter sur les routes.
Je vais vous conter une anecdote, je l'avais invité à dîner un Vendredi Saint, je lui ai fait de la viande ! Quand il est revenu de Dachau, cela m'a fait beaucoup de peine, il était très malade.
Les ravitaillements des maquisards étaient effectués par le marché noir. Quand nous avons ouvert le restaurant à la place du Grand Café, nous donnions à manger à tous les maquisards grâce au capitaine Fontès. C'est l'armée française qui nous fournissait. On la sautait ! (on avait faim !). Il y avait Joseph Collomp.”

Et tant d'autres femmes, qui ont œuvré silencieusement pour lutter contre la répression, l'envahissement par un peuple armé foulant irrespectueusement le sol méditerranéen.

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L'éloignement : Dachau

Plus tard, leurs arrière-petits-enfants, leurs petits-enfants, leurs enfants viendraient se détendre sous les rayons chatoyants du Midi. Ils seraient accueillis amicalement « avé l'accent » chantant. Plus tard, bien plus tard… Mais nous n'en étions pas là.


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