L'épuration


Après ces jours de fête, une période agitée s’instaura. Les règlements de comptes débutèrent avec leur lot de fausses histoires de collaboration et de petites vengeances personnelles.

Mme Jocrisse se remémore :
“Un jour, j'ai entendu de la musique. J'ai regardé par la fenêtre et j'ai vu des femmes tondues. On les promenait dans la ville.”

Ainsi que les époux Giraud :
“Des femmes qui avaient eu des relations avec l'ennemi furent arrêtées et tondues devant la porte de la prison. Elles furent promenées sur le boulevard avec un écriteau autour du cou. La foule était nombreuse et criait. Les plus jeunes se sont hissés sur l'impériale des bus et leur jetaient des boules de platanes.”

Mme Tummino et Mme Martin tour à tour, évoquent la bêtise humaine.

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Les femmes tondues
Mme Tummino :
“Là où je n'étais pas d'accord, c'est face aux règlements de comptes personnels. De couper les cheveux aux femmes, c'était ridicule. Car elles sortaient avec les Allemands mais, ensuite, aussi avec les Américains, donc on ne peut pas dire que c'étaient des collaboratrices. Je suis intervenue parce qu'ils avaient créé un comité pour rechercher ceux qui avaient trahi. Je leur ai dit qu’il ne fallait pas faire n'importe quoi. Il n'y en a qu'un qui méritait d'être arrêté et jugé, c'est celui qui avait réussi à faire déporter le curé de Bargemon et ce garçon s'est enfui sur les toits de Draguignan. Il a été rattrapé et a été fusillé sans procès, ce que je n'ai pas approuvé. Cela devenait des vengeances personnelles.”
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Chaque jour, chaque heure nous rapproche un peu plus d'eux

Mme Martin :
“Après la guerre, il y a eu une période assez trouble, beaucoup de règlements de comptes : lui était dans La Milice, lui collaborait… Il y avait celles qui étaient tondues et quelquefois, il y avait des injustices. Une jeune fille qui n'avait pas voulu fréquenter un maquisard sortait avec un autre garçon. Pour se venger, le premier l'a dénoncée prétextant sa bonne entente avec les Allemands. Bien sûr, ce n'était pas vrai. Et bien, elle a été tondue ! Par la suite, traumatisée, elle ne voulait plus sortir de chez elle. Elle est restée nostalgique. Elle a gardé un fond de tristesse. Ils les ont faites défiler, les gens leur crachaient dessus, c'était humiliant.”

Le retour des hommes s'est effectué dans l'attente du bonheur retrouvé.

Mme Barbéris et son époux ont été à nouveau réunis :
“J'ai appris la nouvelle de son retour par un télégramme que je garde comme une relique. C'était le 17 avril 1945. Il est rentré le dernier. Mon mari, sous-officier et rebelle au travail obligatoire, avait été puni.
Il m’avait écrit :
– “Enfin, je peux revenir vers toi, les Américains sont là.”
Et à partir de ce jour-là, on ne vivait plus. J'attendais le télégramme officiel que la Croix-Rouge envoyait, il n'arrivait jamais. Enfin un jour, j'ai vu ce télégramme officiel et je suis partie comme tout le monde, comme toutes mes collègues, aux Arcs pour l’attendre à la gare. J'y ai retrouvé des élèves du cours préparatoire. J'en ai retrouvé sept sur le quai de la gare qui étaient venues attendre. Quand je l'ai retrouvé, il avait perdu vingt-six kilos.
Malgré ces années de camp de concentration, il avait noué une belle amitié avec Jean Gache. L'un accompagnant l'autre et vice-versa durant cette longue captivité. Amitié, qui s'est poursuivie hors de cette rude période.”

Par la suite, Mme Barbéris s'investit avec détermination pour organiser le retour des prisonniers. Ceux-ci arrivaient à la gare de Draguignan. Leurs familles ignorant leur retour, personne n'était là pour les accueillir. Ils passaient alors une nuit solitaire sur le banc des Allées, en attendant de pouvoir prendre un car qui les emmènerait vers leur village et leur famille. Des femmes s'étaient donc mobilisées pour les attendre au train, les regrouper et leur offrir un abri pour la nuit dans le local que Mme Barbéris avait requis boulevard de la Liberté auprès du colonel Fontès, après le départ des Allemands.

Ce centre d'accueil des prisonniers de guerre a été inauguré en 1945 et Monsieur le Préfet Sarie rendit hommage à Mme Barbéris en ces termes :
“Une femme qui a réalisé pour les prisonniers ce que le gouvernement n'a pas fait pour eux…”

Ce centre a fonctionné au moins deux ans.
Les Résistantes contribuèrent à la libération du pays et jouèrent un rôle bien que timidement reconnu.
A travers lui, les femmes anonymes, épouses, mères, surent démontrer leur force, leur détermination, leur courage pour assumer au mieux la vie quotidienne, malgré leur solitude.
Elles surent soutenir les absents et entretenir leur image ou leur souvenir et maintenir les liens familiaux. De leur isolement, émergea une prise de conscience de leurs droits citoyens, en même temps que la mesure de leur individualité, qui allaient changer leur condition.


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